27 mai 2014

Le Dur Supplice Des Amants Perdus...

La nuit dernière j'ai rêvé de toi...
Je nous ai vus marchant main dans la main sur une petite route de compagne... Tout était si léger, si agréable... J'étais bien, tu semblais l'être aussi... Je te regarde souriant, la petite écharpe que je porte à mon cou s'envole à mesure que le vent se lève... Tu me trouves légère, aérienne... Aussi pour m'envoler un peu plus...Je la retire et la fais voler... Une seconde, rien qu'une seconde tu as lâché ma main pour aller la récupérer... Je ris de te voir courir après, elle ne cesse de se poser et de s'envoler. Puis, le temps s'assombrit, et petit à petit ta silhouette disparaît dans une brume profonde. Mon cœur se pince... J'ai froid. 
Le hasard de la nuit fait qu' à cet instant précis, mon époux m'enveloppe dans ses bras, apaisée, je me rendors.
Amis infidèles, que nous reste-t-il de nous amours interdits? Que nous reste-t-ils, de nos corps mêlés, transpirants, tendres, fougueux? De nos souffles, de nos baisers, de nos messages brûlants? De nos rires, de nos colères, de nos larmes? Que nous reste-t-ils de tous ces beaux moments que nous partageons avec cet autre inconnu de tous? 
Que me restera-t-il de mes amours interdits? 
Mes souvenirs certainement... Faut-il encore que cela ne fasse parti d'un phénomène de réminiscence... Dans un cadre professionnel, j'ai été amené à rencontrer un couple de personnes âgées, très âgées. L'époux gardé en observation, toute la matinée n'a eu de cesse que de réclamer Éliane...Sa femme. Nous avions beau faire, il voulait absolument qu'elle soit là, il ne comprenait pas pourquoi elle l'avait "abandonné"... Elle, sa douce et belle Éliane. Je le rassurais en lui disant qu'elle ne tarderait pas à arriver... Grand bien font les choses, à peine que je terminais ma phrase que son épouse était sur le pas de la chambre... "Je vous l'avais dis, votre femme est là"... Sourire aux lèvres je m'adressais à l'épouse, "il n'a cessé de vous réclamer... Toute la matinée il voulait absolument que nous appelions sa douce et belle Éliane..." Elle sourit et me dit. "Éliane était sa maîtresse"... J'étais confuse... Mais confuse à un point que nul ne peut imaginer... D'un geste bienveillant elle posa sa main sur la mienne pour me rassurer. "Ne vous en faites pas"...
"Oh, mon Dieu! Oh, mon Dieu!" Avais-je répété plusieurs fois. Il va de soi ma réalité avait prit le dessus, je ne pouvais m'empêcher de faire le parallèle avec ma vie. Effroyable! 
 Que me restera-t-il de mes amours interdits? Ce méli-mélo? Ou d'autres souvenirs des plus agréables... Comme la douceur de ses mains... Le frisson de cette bulle suspendue*... Cette sensation de bien être profond de  la place d'Agier... ... Où peut-être que j'en jouerais.. Je raconterais à l'un de mes petits-enfants avoir aperçu en Gruyères non loin de "La charrière des morts" des antilopes*,  je l'imagine éclater de rire pensant que sa mamie devient gâteuse, et pourtant sa grand-mère aura en elle tellement de beaux souvenirs. Ce qui est certain, c'est que je dirais à l'une de mes petites-filles (si j'ai la chance d'en avoir)... Que si jamais, elle avait un amant, elle pourrait m'en faire des confidences. Je n'en dirais mot à personne... Oh! Que non! Je voudrais qu'elle ait au moins cette possibilité raconter son histoire à un proche. Oui, je serais une mamie sans morale. ^^
Alors que me restera-t-il des  mes amours interdits?
Dirais-je aux autres que je suis tantôt tigresse tantôt soyeuse et lisse comme le papier Vélin... Ou serais-je simplement Véllia pour souligner la complexité qui m'habite. 
Que nous reste-t-il vraiment de ces amours là?
Nothing. 

Ou peut-être que si... Le souvenir des orgasmes s'inscrit dans la chair.




*Le vide m'arrache le cœur.
*Bah! Pourquoi pas?! :)

16 commentaires:

PSganarel a dit…

J’ai vu tant de choses, que vous, humains, ne pourriez pas croire... De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion, j’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l’ombre de la Porte de Tannhaüser. Tous ces moments se perdront dans l’oubli, comme les larmes dans la pluie. Il est temps de mourir.
Blade Runner, Roy Batty.

De nos souvenirs, de nos amours, de nos amantes, de ces moments fous, je crains qu'il ne reste que nos mots. Les vôtres sont toujours magnifiques

chilina a dit…

Il ne restera que l'amour Vellini et pas sur que cela vienne de nos amants ...
Des amours interdits, il ne reste rien, que du vent !
Bcp trop font semblant de donner et ne resteront que souvenirs évaporés
J'aime particulièrement une phrase dans ton texte, je ne la soulignerai pas mais elle me touche ...

Sophie a dit…

Elles restent en nous a tout jamais et seront le petit sourire coquin qui nous restera .... Parce que nous sommes des femmes sacrées n en doute jamais :-)

GreenLullaby a dit…

Cette interrogation (très bien formulée d'ailleurs) me touche à un point que vous ne pouvez pas imaginer... sans doute parce que je me pose le même genre de question depuis quelque temps.
Que nous restera-t-il ? de beaux souvenirs, un jardin secret. Et quelques confidences à une amie, pour ma part - je pense qu'il est essentiel d'en parler.

ici et ailleurs a dit…

Comme je te l'ai dit par ailleurs, il reste une chose essentielle, cette chose qui fait que l'on en ressort différent, plus fort, plus aimant, plus sensible. Si ces rencontres sont celles que tu dis, même si l'autre disparaît un jour, il reste ce que l'on est devenu avec le temps grace à ses mains qui se tiennent pendant quelques heures, mois ou années. Ces souvenirs persistent à vivre en nous, se transforment en d'autres battements qui en créeront d'autres dans d'autres cœurs, amis, enfants, conjoints, famille... une vie est faite de ces souvenirs, de souvenirs plus largement. Je dis souvent cette phrase : vivre c'est se fabriquer des souvenirs, mêm si ces souvenirs sont tus de ceux qui partagent nos quotidiens, ils vivront toujours en nous et par nous.

J'ai aimé ton entrée en matière, c'est une belle image qui dit beaucoup, ou à tout le moins suggère beaucoup, sur l'angoisse de l'absence, de la perte et de la séparation.

Merci d'avoir ouvert ces commentaires..

Vellini a dit…

@PSganarel:"...Tous ces moments se perdront dans l’oubli..." Je pense aussi... Cependant comme vous dites, les mots restent... Dans ma cave, j'ai un petit sac où j'ai gardé toutes mes correspondances et photos de ma période d'avant mariage, et de temps en temps lorsque je tombe dessus, je prends plaisir à relire les lettres d'amour, de déception, de colères, d'inquiètes, d'amitiés tout un lot d'émotions écrites à la main. Comme si je me découvrais... C'est assez curieux et ça à le bénéfice d'entretenir mes souvenirs avant que l'oubli ne les emporte. (Je ne sais comment sauvegarder, les textes de mon blog. :( )


@Chilina: Oh! Quelle est donc cette phrase mystérieuse? Tu titilles ma curiosité. :D
Si je suis la construction de ton commentaire, et la conclusion que tu tires, je dirais que cette phrase est en lien avec mon époux. ^^ Ou peut-être parce que si je m'étais lu ailleurs, j'aurais été touché par ce geste. :)
Je ne sais si nombreux font semblant de donner... Je pense que l'on donne tous un peu de soi à différentes doses dans ces histoires là, hommes ou femmes, cependant l'histoire se déroulant dans un contexte secret ne peut à la longue que s'évaporer, c'est dommage.


@Sophie: Oui, ce petit sourire coquin! Je me surprends bien des fois. ;)

Vellini a dit…

@GreenLullaby: Bienvenue ici! Je me souviens avoir laissé un long commentaire sur Venise... avec sa femme, et je ne sais par quel miracle du net, je l'ai perdu! Comme il se faisait très tard... Je n'ai eu le courage de reprendre, mais, je tacherais de glisser un mot. :)
Pour en revenir à votre commentaire... Oui, je suis d'avis qu'il est nécessaire d'en parler, de faire quelques confidences, par contre, personnellement, j'ai refusé de faire porter ce lourd poids à une amie. Surtout si cette dernière fréquente le couple, je ne crains qu'elle éprouve une certaine gêne face à mon conjoint ou ne fasse à son tour des confidences à son époux...C'est assez compliqué, surtout si un jour cela fini par se savoir, allez savoir pourquoi, le trompé demande toujours qui "est au courant". :S

Vellini a dit…

@Ici et ailleurs: (Pourrais-tu changer, ce pseudo?! :P)
On en sort pas toujours plus fort. Faut-il encore que ces histoires soient enrichissantes, et ce n'est pas toujours le cas, il existe des histoires destructrices... Faut-il alors dans ces cas là garder ces souvenirs? Je ne sais pas... Bon, je ne suis pas dans cette situation, mais n'empêche que cultiver ses souvenirs, d'accord... Mais pas tous. Pour ma part j'ai une mémoire très sélective. ^^

J'avais un prof de philo qui faisant son cours assis en tailleur sur la table aurait analysé ce rêve dans tous les sens... "Prenez cette écharpe... Que fait-elle là?!" Oui, cette entrée en matière en dit beaucoup... ;) Merci.

Cristina a dit…

Je fais une petite incursions sur la blogo et je découvre que l'on peut mettre de commentaires sur ton blog. C'est récent, je crois (il me semble qu'avant cela n'était pas possible).

Que reste-t-il de toute relation affective quand les liens se dénouent? Amants, maris, frères, amis... Maîtresses, épouses, soeurs, amies... Je pense que tu le sais. A moins de cultiver la nostalgie (ce qui a mon avis n'est pas très bon pour le moral), il reste de brides de souvenirs qui arrivent parfois quand on ne s'y attend pas et qui repartent aussi tôt.
Personnellement, je n'ai aucun plaisir à me souvenir d'aucun de mes amants ni de mon amante passés. Je déteste ça. C'est curieux parce qu'en revanche, j'ai du plaisir à me souvenir de mes amours avant la rencontre avec celui qui allait devenir mon mari.
J'en suis venu à me dire qu'au fond, le bordel qui accompagne les amours infidèles, ça ne fait pas des beaux souvenirs... sauf sexuellement. Pour moi.
Tu vois, Vellini, les choses ne se passent pas toujours comme on l'a décidé en théorie (sourire amical en référence à nos échanges sur mon blog en décembre dernier).
Pour le rêve... Je ne suis ni philosophe (c'est quoi ce prof en tailleur sur une table?!! rire!) ni psy mais bon... cela me semble assez clair, d'autant que tu as eu besoin de l'écrire :-) Tu l'aimes, il te manque.
Il te rapportera peut-être ton écharpe (des fois, on a des surprises), un autre t'en offrira peut-être une autre ou alors tu en achètera une. T'en fais pas trop, la vie reprend le dessus le plus souvent :-)
Bisous

Cristina a dit…

Je me suis demandée après-coup, pourquoi tu voulais parler à ta petite-fille qui n'existe pas et qui n'existera peut-être pas. Là, c'est un vrai truc à analyser, bien plus intéressant que l'histoire de l'écharpe dans le rêve (pff!, le subconscient et Freud qui était amoureux de sa fille... des fois, faut oublier, lol!). Je crois que tu as des garçons petits, pourquoi ne pas leur parler à eux? (sourire)
Se projeter en grand-mère, ça soulage le présent sûrement mais n'en abuse pas trop tout de même, tu es jeune : si un jour tu fais mamie genre "Le Boum" (vieux film de ma jeunesse), tu as tout le temps de t'y préparer.
J'ai aussi pensé à ce mec qui alors qu'il meurt appelle sa maîtresse et à sa gentille femme qui vient le voir. Pff! Je trouve ça pathétique honnêtement : c'est comme dire aux gens qu'on aime qu'on les aime avant de crever. On a toute la vie pour le faire et on attend le dernier moment. Sans compter que l'épouse, je la trouve bien conciliante... Quand les femmes cesseront de faire les saintes ou les putes (j'ai rien contre les saintes ou les putes, c'est la symbolique dont il s'agit), les mecs commenceront peut-être à les traiter comme des égales à eux-mêmes (c'était la minute féministe : obligée. Rire)
Bonne route!

Vellini a dit…

Tiens donc, tu fais une interprétation très littérale de mon rêve, au moment où je l'écrivais, je pensais pas exactement au manque du à l’absence mais à cette réalité qui nous oblige à se perdre dans la nature sans savoir ce que devient l'autre. Je trouve simplement dommage que l'on ait passé du temps avec une personne, que l'on ait éprouvé des sentiments puis reprendre sa route comme si de rien n'était... Personnellement, lorsque la fin arrive c'est que j'ai fais le tour de l'histoire, après une histoire vécue, je garde de la tendresse mais je n'ai plus d'amour, plus de désir, pas de nostalgie non plus. Il rentre dans mon carnet d'adresse comme un "bon" ami. Et les relations amants/maitresses ne semblent pas nous donner cette opportunité.

Sinon, merci pour tes mots... :) Je vais bien. L'écharpe est remplacée par une couverture ^^ ça donne un peu trop chaud, mais c'est douillet. ;)

Vellini a dit…

@Cristina: Sourire... Pourquoi parler à des éventuels petits-enfants? Parce que parler à mes enfants c'est plus au moins leur avouer mon infidélité, je ne sais si les enfants sont capables d'admettre que l'un des parents ait trahi l'autre... Tandis qu'avec mes petits-enfants, ils penseront que j'ai suffisamment de recul de la vie, des expériences vécues et entendues...
Une fois alors que mon fils d'à peine 13 ans semblait perdu entre deux jeunes demoiselles, l'une étant son amoureuse et l'autre une nouvelle connaissance, je lui dit " tu peux être amoureux des deux..." il a été choqué - ça ne se fait pas! Ce n'est pas juste!
"Moi, ta maman, au CP j'avais deux amoureux Mathieu et Frédéric... Je n'en suis pas morte, ils n'en sont pas morts!" -C'était au CP, maman!! "Justement... Qu'est ce que ça change de ton amour d'aujourd'hui?" Il est allé dans une explication des plus complexes pour finalement me faire comprendre qu'au CP j'étais "bébé", donc "grand" qu'il est, il se conforme à la morale de la société... Et non de maman. ^^ J'ai souris, en me disant que nous en reparlerons un jour... :)

Non, rien de pathétique dans le comportement de cet homme... Il est dans la démence du grand âge, ses souvenirs se mélangent... En plus dans le phénomène de réminiscence, les gens ne se souviennent que de bribes de leur vie, soit des moments agréables, soit douloureux. Je pense qu'il reconnaissait sa femme, seulement il se mélangeait les prénoms.
Je trouve le comportement de sa femme admirable... Que faire face à un époux qui perd la tête? L’abandonner? Penses-tu qu'elle ne savait pas que monsieur fricotait ailleurs? Peut-être étaient-ils un couple "libre"? Qu'en sais-je?
Il y a un truc chez les féministes que je ne saisi pas... Pourquoi vouloir bien des fois raisonner en terme de dominé/dominant?
Sur mon lit de mort, mon époux devra me flageller pour l'avoir trahi durant autant d'années? Il sera ainsi mon égal? Excuse-moi, s'il le fait... Oui, il sera mon égal dans la bêtise.
Oui, je suis loin d'être une féministe :)... Mmmm loin d'être une parfaite anti également.

Comme une image a dit…

Ah oui, tiens, les commentaires réapparaissent !

Que reste-t-il quand on ne laisse pas un polichinelle dans le tiroir ?! ;-)
Eh bien, oui, des souvenirs (et c'est que nous laissent bien des choses agréables, comme les vacances, par exemple). Parfois, des photos, des films, des petits enregistrements sonores, parfois... Une musique qui aura été « notre morceau »...
Il me restera, à moi, ce que j'en aurais couché parfois sur mon blog....
Des correspondances stockées dans nos messageries électroniques (combien de temps survivront-elles ?)

Vellini a dit…

@CUI: Vous réussissez à garder des films? L'unique sextape que j'ai pu faire me donne encore des sueurs froides...
Excitant l'instant où l'on se filme ou encore celui où l'on se mate avec gourmandise... Orgasme garantie! Le hic, c'est que plus tard, détendue dans mon bain, j'ai réalisé que l'un des plans que j'ai le plus apprécié est celui où je me délecte sur sa bite, et là malheur!!! C'est un grand plan sur mon visage. :S
J'ai du prendre une double dose de propanolol pour lui dire l'air de rien... "Penses à supprimer la vidéo, ça serait moche que ta femme tombe dessus." ;) (Rhooo la menteuse!) FINI les vidéos.

Almeida Lucius a dit…

Les poètes de la latinité n'est pas mon prefireido, je suis brésilien, je recours à plus Protuguesa stock, mais la langue, tant à l'oral et littéralement l'amour de votre langue! BAISERS aquyi du Brésil!

A Mademoiselle Louise Read

Un soir, j'étais debout, auprès d'une fenêtre...
Contre la vitre en feu j'avais mon front songeur,
Et je voyais, là-bas, lentement disparaître
Un soleil embrumé qui mourait sans splendeur !
C'était un vieux soleil des derniers soirs d'automne,
Globe d'un rouge épais, de chaleur épuisé,
Qui ne faisait baisser le regard à personne,
Et qu'un aigle aurait méprisé !
Alors, je me disais, en une joie amère :
" Et toi, Soleil, aussi, j'aime à te voir sombrer !
Astre découronné comme un roi de la terre,
Tête de roi tondu que la nuit va cloîtrer ! "
Demain, je le sais bien, tu sortiras des ombres !
Tes cheveux d'or auront tout à coup repoussé !
Qu'importe ! j'aurai cru que tu meurs quand tu sombres !
Un moment je l'aurai pensé !
Un moment j'aurai dit : " C'en est fait, il succombe,
Le monstre lumineux qu'ils disaient éternel !
Il pâlit comme nous, il se meurt, et sa tombe
N'est qu'un brouillard sanglant dans quelque coin du ciel ! "
Grimace de mourir ! grimace funéraire !
Qu'en un ciel ennuité chaque jour il fait voir...
Eh bien, cela m'est doux de la sentir vulgaire,
Sa façon de mourir ce soir !
Car je te hais, Soleil, oh ! oui, je te hais comme
L'impassible témoin des douleurs d'ici-bas...
Chose de feu, sans coeur, je te hais comme un homme !
L'être que nous aimons passe et tu ne meurs pas !
L'oeil bleu, le vrai soleil qui nous verse la vie,
Un jour perdra son feu, son azur, sa beauté,
Et tu l'éclaireras de ta lumière impie,
Insultant d'immortalité.
Et voilà, vieux Soleil, pourquoi mon coeur t'abhorre !
Voilà pourquoi je t'ai toujours haï, Soleil !
Pourquoi je dis, le soir, quand le jour s'évapore :
" Ah ! si c'était sa mort et non plus son sommeil ! "
Voilà pourquoi je dis, quand tu sors d'un ciel sombre :
" Bravo ! ses six mille ans l'ont enfin achevé !
L'oeil du cyclope a donc enfin trouvé dans l'ombre
La poutre qui l'aura crevé ! "
Et que le sang en pleuve et sur nos fronts ruisselle,
A la place où tombaient tes insolents rayons !
Et que la plaie aussi nous paraisse éternelle
Et mette six mille ans à saigner sur nos fronts !
Nous n'aurons plus alors que la nuit et ses voiles,
Plus de jour lumineux dans un ciel de saphir !
Mais n'est-ce pas assez que le feu des étoiles
Pour voir ce qu'on aime mourir ?
Pour voir la bouche en feu par nos lèvres usée
Nous dire froidement : " C'est fini, laisse-moi ! "
Et s'éteindre l'amour qui, dans notre pensée,
Allumait un soleil plus éclatant que toi !
Pour voir errer parmi les spectres de la terre
Le spectre aimé qui semble et vivant et joyeux,
La nuit, la sombre nuit est encore trop claire...
Et je l'arracherais des cieux !

Jules Amédée Barbey d'Aurevilly

Vellini a dit…

@Almeida Lucius: Merci à vous... :)

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