29 septembre 2013

Véloce (1) ...

Nous sommes en fin de soirée et je viens réaliser que j'ai complètement oublié de réserver l’hôtel, mais je me dis que ce n'est point grave, je le ferais dans la matinée.
Ce rendez-vous à venir est différent, je traîne un peu les pieds... Moi qui d'ordinaire organise tout jusqu'au moindre petit détail, là, je peine à me mettre dans le bain. Une seule phrase m'a contrarié... "Il me faut être absolument à 16h au bureau". 16h... Cet impératif me contrariait profondément, nous devions nous voir pour 14h. Nous aurions donc deux longues ou petites heures à nous. Il faut croire que j'avais fait mon choix. Ça serait deux petites heures, et comme je suis loin d'être ponctuelle, ça se résumera à quelques minutes. Des minutes que nous avons déjà  su auparavant apprécier, mais là... Je ne m'excite pas de ce rendez-vous à la sauvette. Tout devient difficile, au matin du rendez-vous, je n'ai toujours pas fait de réservation. Lui, tient à ce détail, il aime que je réserve, c'est comme lui montrer combien j'ai envie de lui. Tout est lourd à faire, je peine à choisir une tenue, à choisir ma lingerie. Midi, je réserve finalement. Étonnamment, la standardiste qui d'habitude exige un nom me lance un "Pas de soucis madame, présentez-vous directement à l’accueil". M’a-telle reconnu? Nous avons ce curieux comportement à toujours fréquenter les mêmes lieux. Je me souviens de ce petit hôtel que nous fréquentions régulièrement à nos débuts, si régulièrement que la gérante nous accueillait avec un grand sourire, lorsque je l'avais au téléphone, elle savait exactement qui j'étais. J'étais une de ces putains maîtresses qu'elle semblait apprécier. Hélas, ils ont fermés, il faut croire que nous n'étions pas assez rentable! Tous deux nous gardons une sorte de nostalgie des lieux...
Les heures s'égrainent, je me dépêche, choisi rapidement une tenue, enfile mon string et soutien gorge, mets dans mon sac bas et porte-jarretelles me disant que je les mettrais  rapidement avant qu'il ne me rejoigne dans la chambre. Je me maquille légèrement... Il est 13h20, je suis à trois quart d'heure du lieu du rendez-vous. Je me presse de lui envoyer un message -"Ne m'appelle pas, j'arrive." Je ne cesse de me répéter que nous devons le reporter. A cette suggestion, il avait répondu... "J'ai trop envie de te baiser!". 
Me voilà juchée sur mes talons et hâtant mes pas... Mon téléphone sonne encore et encore, je ne réponds pas, non, il ne vaut mieux pas. Il annulerait le rendez-vous... Tous les rendez-vous. Je saute dans le RER, enfin, je lui envoie un message, "je ne suis pas très loin, je n'aurais que 5 à 10 minutes de retard." Je lui redemande si ça tient toujours. En réponse, une photo me présente sa bite dans toute sa splendeur. Je réalise que nous pourrions être sur les lieux au même moment, je tente d'enfiler mes bas discrètement, je suis seule dans le compartiment...Une jambe...Réussite totale. La seconde, je me lève, essaie de bien le positionner... Satisfaite, je réajuste la première... Catastrophe! Je viens de l'éffiler! Je suis déçue... Ce rendez-vous n'annonce rien de bon. Cette fois-ci, j'aimerais faire demi-tour. Je lui dis que s'il est trop tard, je n'irais pas à l’hôtel... Lui, balaie mon petit soucis avec de mots simple... "Ne t'inquiète pas, tu les oubliera vite tes bas, je vais te consoler..." Je me dis que c'est peine perdue!
Enfin, j'y suis. Il n'est pas là. Il est en retard.
Il est plus de 14h20, il nous reste moins de deux heures.

27 septembre 2013

Le secret...

Elle a 93 ans, jambes croisées, elle paraît rayonnante assise sur ce banc public...Un bonjour timide et je m'installe à ses côtés, petit bouchon sur mes genoux. Elle le regarde sourit, il répond... Gazouille et la discussion débute. Caressant ses joues, palpant ses cheveux crépus elle m'interroge... -Quel âge a t-il? -Vous êtes d'où? Éternelle question à laquelle je prends un malin plaisir à répondre toujours de côté. -De Normandie, Cherbourg. - Cherbourg - Oui, pourquoi? Ne suis-je pas assez pâle? Elle sourit... -Vous avez un joli teint, j'aime ces gens qui viennent d'ailleurs, ils ont toujours le sourire (ce n'est pas faux, ça nous donne un petit air idiot, mais que c'est bon de paraître heureux) -Vos parents viennent d'où? Je réponds, elle enchaîne... Je raconte.... -C'est votre premier? Allez savoir pourquoi je marque toujours un temps d'arrêt avant de répondre à cette question... Je vais noyer le poisson -Alors, nous avons, Jean-Daniel, Gaspard, Marjolaine, Antoine... Heuu... Jean-Daniel... Oui, je l'ai compté. Donc, je reprends Jean-Daniel, Gaspard .... - Dis donc, vous en avez du courage... Je souris... Je m'impatiente des réflexions qui vont suivre, avec le temps j'ai appris à rire de tous les clichés, encore plus lorsque les autres concluent sans savoir... -Les enfants ce n'est pas facile, il faut les éduquer, leur donner une situation... Ça coûte cher. Évidemment, j'ai le teint mat, une panoplie de gosses (?), forcément je ne peux qu'avoir très peu de moyen, une allocato-dépendante. Les yeux brillants je lui réponds... -Je ne vous fais pas dire! Que c'est cher d'élever des enfants... Entre l’école, le sport, les loisirs... Je ne vous dis pas... Je peine  (à régler les notes d'hôtel) à me faire plaisir... -Je veux bien vous croire madame... -Vous travaillez? Bah, forcément, après une telle description il lui faut vérifier comment j'assume... Là encore je prends un malin plaisir, petit sourire aux lèvres, j'aimerais me laisser aller en répondant . -Non. Elle conclurait sans doute que je suis l'épouse d'un dealer, un voyou sans scrupule ou serais-je une parfaite vénale qui prend plaisir à être entretenue... 
Mais non... Je ne vais pas lui faire ça, elle me plaît cette femme à l'allure élégante et si curieuse. Même si, je sais à l'avance que l'annonce de ma profession va arrêter mon plaisir net et nous nous centrerons rien que sur elle. Aussitôt dit, aussitôt fait... Je découvre son âge, ses antécédents, ses nuits difficiles, sa perte d'autonomie... Même si je m'efforce à lui rappeler que pour ses 93 ans elle se porte très bien. Tant bien que mal, j'essaie de la distraire avec d'autres questions. -Vous avez des enfants? -Non... Silence -J'ai une filleule adorable, elle a deux beaux garçons. -C'est mignon tout ça! 
A mesure de la discussion j'apprends qu'elle à toujours vécu dans la maison familiale avec ses sœurs qui sont décédées les unes après les autres et aujourd'hui elle vit seul dans ce grand appartement. (Que j'aurais fort aimé qu'elle me vende en vieux francs, oui, j'habite un vieux quartier populaire(?) de Paris, entre les touristes, les psychotiques artistes, les petits vieux et "bobos" il fait bon d'y vivre.) -Vous n'avez jamais été mariée? -Non... Mais j'ai un ami. 
Un ami? Me suis-je dis. 93 ans et un ami... Mais où a t-elle rencontrer ce "petit vieux". Elle surenchérit -Un ami depuis 53 ans. -53 ans? Et vous n'avez jamais voulu l'épouser? -Il était marié. -Marié? -Oui, il avait sa famille. Son épouse et ses enfants. -Et vous êtes restés avec lui durant toutes ces années... -Oui, encore aujourd'hui... Nous nous aimons. -Waouh! Waouh! J'ai un sourire niais.
Je reste partagé entre le doux sentiment d'une histoire digne d'un roman d'amour et la tristesse d'une vie sacrifiée. Que nenni! -Depuis toujours nous nous aimons... nous nous voyons tous les jours, un peu moins actuellement, ces temps derniers, son état de santé se dégrade...il est malade. En rentrant je vais lui téléphoner. 
Je marmonne ... 53 ans, 53ans... J'ai du mal à croire ce que j'entends, je lui fais répéter. -Vous êtes ensemble depuis 53ans? -Oui, 53ans. Je l'aime. 
Elle à l'air si enthousiaste, si heureuse...Si passionnée. Mais dans mon cerveau cartésien, les questions s'entrechoquent... -Mais pourquoi n'a-t-il pas quitté sa femme? -Il ne pouvait pas, il avait une famille, elle était souvent malade... Il voulait rester avec sa famille. -Et vous? -On s'aimait, je n'avais que le "bon" côté... On ne se disputait pas. Nous déjeunions, bavardions... -Oh! La cochonne! C'est une belle histoire! Son épouse est décédée? -Non... -Oups! Elle à la peau dure dis donc! -Celle-là! Nous rions... 
J'aime la regarder me parler de cet amour qui me parait si invraisemblable et qui semble l'illuminer. -Je ne tiendrais pas 53ans. (Et dire que je pensais avoir battu les records!) -Vous avez un amant? -Qui? Moi? Nooooon! 
Gros mensonge. Mais c'est une voisine. Si le petit bouchon se retrouve sur les genoux de papa à ses côtés, je n'aimerais pas qu'elle lui fasse des confidences. Elle reprend... Me parle de lui... Et conclut. -C'était un bon amant (Ooh! La salope!), il était beau (ils sont toujours beaux.)... 
L'espace d'une seconde j'ai imaginé ces deux petits vieux s'en donnant à cœur joie. Le Kamasutra des petits vieux ce n'est pas très excitants. Mais difficile de les imaginer différemment. Je souris, souris, car il y a fort longtemps lorsque je décidais de prendre un amant, je n'ai de cesse répété qu'il serait mon éternel amant... Éternel, car je ne voyais pas pourquoi nous cesserions de coucher ensemble sinon du fait de la vieillesse. -Vous revenez demain? Reprit-elle... -Non, je travaille demain. Mais mercredi, je serais là... -Si tout va bien... Je vous apporterais de la lecture... De beaux romans d'amour. Me dit-elle d'un œil brillant. J'éclate de rire... Je suis découverte.
L'ironie de l'histoire c'est que deux ou trois jours auparavant je lisais dans le magazine "Psychologie" "Pourquoi elles restent la maîtresse" une suite d'analyse pour lesquelles je ne m'y retrouvait pas. En plus avec Freud comme fil conducteur... Je n'ai pas adhéré. Je n'ai eu tort. Pour preuve cette femme ne correspondait en rien à tout ce qui était écrit notons, tout de même qu'elle a 93 ans. Elle était là souriante, me confiant son bonheur. Quitte à revivre sa vie, elle le revivrait de la même manière sans l'ombre d'un doute. 
C'est peut-être ça le secret de son grand âge. Baiser Aimer simplement.


2 septembre 2013

Suivez le lien...

(Plaisir à lire)